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Mission de Cités Unies France dans les Balkans Occidentaux (Bosnie-Herzégovine, Serbie, Kosovo) du 12 au 17 avril 2010, conduite par Charles Josselin, président de Cités Unies France

Mission de Cités Unies France dans les Balkans Occidentaux ’Bosnie-Herzégovine, Serbie, Kosovo) du 12 au 17 avril 2010, conduite par Charles Josselin, président de Cités Unies France

Dix-huit ans après l’éclatement de la Yougoslavie, les Balkans restent une source potentielle d’instabilité et un enjeu majeur pour la diplomatie européenne. Même s’il est indéniable que des progrès importants ont été accomplis, l’Union européenne doit remplir son engagement de faire adhérer, une fois les conditions réunies, tous les pays des Balkans. Si la Croatie est en bonne voie pour cela, les pays voisins craignent quant à eux que les promesses faites ne s’évanouissent.

En mai 2009, la violence qui a terni les élections en Macédoine nous a rappelé la fragilité d’un pays auquel il manque toujours un nom reconnu par la communauté internationale. Si, peu avant, les élections en Serbie ont donné un élan aux proeuropéens de ce pays, les forces nationalistes restent néanmoins puissantes, tout comme l’est le refus d’accepter la perte de la province du Kosovo qui reste toujours en quête d’une reconnaissance internationale devant des Nations Unies divisées à la suite de sa déclaration d’indépendance.

L’UE doit démontrer que sa résolution ne faiblit pas, ce qui exigera un effort supplémentaire.

On ne peut que se féliciter de la récente décision des députés européens de voter en faveur d’un texte appelant à la libéralisation des visas pour la Serbie, l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine (ARYM) et le Monténégro.
La Bosnie-Herzégovine et l’Albanie ne sont pour l’instant pas concernées par cette décision. Le Kosovo devrait quant à lui prochainement bénéficier d’une « feuille de route » établie par l’UE, marquant le début du processus à suivre afin d’obtenir l’exemption des visas.

Les coopérations décentralisées peuvent être, grâce à leur proximité avec les territoires et les populations, un bon élément pour dépasser les clivages nationalistes qui animent cette région.
Plusieurs thématiques centrales ressortent des coopérations bilatérales : développement rural, tourisme durable, jeunesse, nouvelles technologies, culture, appui institutionnel. Une mise en commun des expériences de chacun dans ces domaines peut permettre d’approfondir et de renforcer les capacités et les compétences de tous.

Cités Unies France s’investit dans la coopération décentralisée avec les Balkans depuis de nombreuses années, à travers l’animation des groupes-pays Croatie et Serbie, notamment. L’association milite pour une approche élargie à l’ensemble des pays de la région, tout en cherchant à renforcer des coopérations bilatérales entre collectivités territoriales existantes.
C’est dans cette optique, et pour mieux saisir la réalité de ces États, qu’une délégation de CUF, menée par Charles Josselin, s’est rendue en Bosnie-Herzégovine, en Serbie et au Kosovo, du 12 au 17 avril. Le président de Cités Unies France était accompagné d’Alain Frémont, maire adjoint de Nevers et président du groupe-pays Serbie, de l’adjointe au maire de la ville de Saint-Denis (jumelée avec la municipalité de Tuzla en Bosnie-Herzégovine), Rose Gomis, ainsi que de Jean-Louis Testud, maire adjoint de la ville de Suresnes (jumelée avec la ville serbe de Kragujevac).

Les objectifs de la mission étaient d’aller à la rencontre des acteurs locaux, centraux et français qui oeuvrent au développement et au bon fonctionnement de la coopération en Bosnie-Herzégovine, Serbie et au Kosovo. Ainsi, des entretiens eurent lieu avec les ambassadeurs français, les assemblées des pouvoirs locaux, les maires et des représentants des ministères concernés.
La mission de CUF a permis de développer des pistes de travail que nous souhaiterions traiter :

Bosnie-Herzégovine (BiH), du lundi matin 12 au 13 avril :

Les Accords de Dayton de 1995 ont entériné la division du pays sur des bases ethniques et un modèle fédéral à deux entités. D’un côté se trouve la Republika srpska, majoritairement serbe avec un gouvernement centralisé, et de l’autre la Fédération de Bosnie et Herzégovine (seconde entité fédérée) composé essentiellement de Croates et de Bosniaque. Cette dernière composante est subdivisée en cantons et en municipalités. De plus, même si cela aurait tendance à disparaître, un échelon communautaire existe séparant les Croates des Bosniaques. Nous dénotons ainsi plus de 180 ministres, tout niveau confondu, avec une présidence collégiale composée d’un représentant de chaque communauté. Dès lors cela empêche tout émergence d’un pouvoir central fort. Nonobstant cette division administrative, les compétences entre les différents échelons ne sont pas clairement définies. Cela nous a été confirmé par Alija Behmen, maire de Sarajevo. En effet, les principales décisions, concernant sa commune, (échelon administratif directement supérieur), sans qu’il soit possible de se passer des niveaux inférieurs comme les municipalités (4 d’entre elles constituent la ville de Sarajevo) et les communautés locales. Selon ce dernier « Sarajevo paye le prix d’une paix imparfaite ».

Cela symbolise la contradiction inhérente au système de Dayton consistant à prôner l’unité du pays tout en séparant chaque communauté.
La ville d’Istočno (est) Sarajevo se trouve collée à la capitale fédérale, ainsi que de la Fédération de Bosnie-Herzégovine. La proximité immédiate entre les deux villes éponymes ne dénote pourtant que peu de coopération entre elles. Un entretien avec Vinko Radovanović, maire de la ville serbe, a mis en évidence de réelles différences quant aux moyens à mettre en place pour plus de collaborations. Néanmoins, il serait impensable de faire disparaître sa ville en tant qu’entité indépendante et distincte.

Les difficultés de dialogue, mis en exergue dans l’exemple précédent, entre les communautés rendent, pour l’instant impossible une réforme des collectivités territoriales qui pourtant permettrait une rationalisation et une efficacité accrues. Ainsi, lors de la visite à la délégation de la Commission européenne en BiH, nous nous sommes aperçus de l’investissement de l’Union pour réformer l’administration publique.

Husejin Smajlovic, Maire de Zenica et Président de l’Association des maires de la Fédération, estime que CUF pourrait avoir un rôle important à jouer. Au-delà de l’aide que nous pourrions apporter afin de permettre la conclusion d’accords de coopération entre les collectivités françaises et Bosniennes, CUF serait susceptible d’intervenir afin de consolider les relations entre les associations d’autorité locale des deux entités fédérées.

La situation de la Bosnie-Herzégovine est un en enjeu majeur pour la stabilité pour toute la région.

Serbie du mercredi matin 14 au 15 avril :

La Serbie est un État fortement centralisé, mais qui s’engage, dans l’objectif d’adhésion à l’UE, dans un large processus de transfert de compétences depuis l’administration centrale vers les collectivités. Cependant, la plus grande région du pays, la Vojvodine, possède déjà un statut de territoire autonome.

Rencontre avec M. Adriano Adrino MARTINS, adjoint au Chef de la Délégation, Délégation de l’Union Européenne auprès de la République de Serbie

(Pour plus de photos, merci de cliquer ici !)

La réforme de cette organisation territoriale constitue un enjeu majeur. La sécession récente du Kosovo a entraîné un fort scepticisme de la population à l’égard de cette démarche. En effet, certaines régions abritent de fortes minorités comme au sud à la frontière de l’ARY de Macédoine ou bien à la frontière avec le Monténégro. Ainsi, accorder une plus grande autonomie suscite des craintes quant à la possibilité de nouvelles sécessions. Cependant, la conférence permanente des villes et municipalités (SKGO Stalna Konferencija Gradova i Opština) est une association promouvant le développement et l’amélioration de l’autonomie des autorités locales. Son Directeur adjoint nous a confirmé l’importance que représente la question de la décentralisation pour l’intégration à l’Union. Cet entretien fut également l’occasion de réaffirmer le partenariat conclu avec CUF.

De plus, le réseau des associations de pouvoirs locaux d’Europe du Sud-est (NALAS : Network of Associations of Local Authorities of South-East Europe) promeut la coopération transfrontalière régionale. Cette démarche encourage la stabilité régionale et doit être soutenue.

Il existe donc une dynamique qui tend à donner une plus grande importance aux collectivités. Le Conseil national pour la décentralisation, qui inclus le gouvernement et la société civile, a relativisé les peurs de certains quant à la décentralisation, estimant qu’il n’y aurait pas de minorité susceptible de poursuivre l’exemple kosovar. Par ailleurs le travail à accomplir est d’autant plus important qu’aucun modèle existant ne peut être réexaminé et qu’il faille donc créer le système dans son ensemble. De ce fait, les collectivités françaises auraient un rôle à jouer dans ce cheminement d’idées.

La rencontre avec les représentants de la délégation de la Commission européenne en Serbie fut l’occasion de faire un point sur les relations entre la Serbie et l’UE. Le 1er février 2010 est entré en vigueur l’accord intérimaire (volet économique de l’Accord de Stabilisation et d’Association qui correspond à l’anti-chambre des négociations formelles avec l’UE). Cela n’a été possible qu’avec le dernier rapport du Procureur général du TPIY Serge Brammertz estimant que la collaboration avec la juridiction internationale était désormais positive. L’ASA, du fait du scepticisme néerlandais quant à la participation sincère de la Serbie au TPIY, est pour le moment bloqué. Cependant la situation évoluera en fonction du prochain rapport du Tribunal international.
L’UE investie auprès des collectivités, pour soutenir notamment les projets de coopération décentralisé, à travers les fonds du programme Exchange. Ce dernier est géré par une composante du SKGO. Il s’agit de contribuer aux efforts de la Serbie à l’intégration européenne en renforçant les capacités des gouvernements locaux selon les standards communautaires. Dans ce dessein, le SKGO a sollicité les collectivités serbes afin qu’elles répondent à des appels à proposition leur permettant ainsi de bénéficier d’un cofinancement européen à leur projet. La municipalité peut par exemple financer de la sorte un stage pour plusieurs de ses fonctionnaires dans une collectivité d’un État membre de l’UE.

L’un des points qui fut le plus abordé avec les différents interlocuteurs fut la question kosovare. Le statut actuel de l’ancienne province serbe demeure ambigu. Le processus de reconnaissance international n’en est qu’à ses débuts malgré la célébration des deux années « d’indépendance ». Cette division de la communauté internationale se trouve exprimée également au sein de l’UE où cinq de ses membres refusent s’opposent au processus engagé. La position de la Serbie est claire et considère que ce territoire lui appartient encore. Par ailleurs, le gouvernement serbe attend la décision de la Cour Internationale de Justice qui doit se prononcer sur la validité des reconnaissances internationales.

Kosovo, du vendredi 16 avril au matin au 17 :

Le Kosovo, nouvellement indépendant, et malgré l’incertitude de son statut, se prépare à d’importantes réformes dans le but d’aligner sa législation avec l’acquis communautaire.

La question de la décentralisation est cruciale. En effet, en plus de l’obligation d’une telle réforme pour l’UE, comme le conseiller du Premier ministre a pu nous expliquer, il s’agit surtout de l’application du plan Ahtisaari. En février 2008, le Parlement kosovar déclarait unilatéralement son indépendance. Cela fut le résultat de négociations infructueuses entre les autorités de Belgrade et de Priština concernant le règlement de la question du statut de la province. Martti Ahtisaari, ancien Président finlandais, fut nommé médiateur par le Secrétaire général des Nations Unies. Il rendit ses conclusions, préconisant l’indépendance du Kosovo. Bien que son plan éponyme fût rejeté par les autorités serbes, il constitue le fondement de la Constitution du nouvel État. Afin de préserver les intérêts des minorités, il fut décidé, dans le plan de l’ONU et dans la Constitution, de créer des municipalités correspondant aux principales zones de peuplements de ces dernières. Ainsi, lors des dernières élections législatives en novembre et décembre 2009, des maires serbes furent élus dans de nouvelles municipalités comme Gračanica. Il est possible d’interpréter cela comme la volonté de la minorité serbe de participer au fonctionnement du Kosovo. Cependant, Belgrade, qui considère toujours la province irrédentiste comme partie intégrante de son territoire, a organisé des élections municipales mettant ainsi en place une administration parallèle. Ainsi, à Gračanica deux maires serbes doivent cohabiter, l’un élu lors des élections municipales « en Serbie » et l’autre durant les élections kosovares. Par ailleurs, l’ancien maire kosovar albanais, issu des précédentes élections demeurerait en place. Ceci met en lumière la complexité dans la prise de décision et de la situation politique actuelle d’un pays en construction.
Il est important de noter que le ministre actuel de la gouvernance locale, Sadri Ferati, a été l’un des fervents défenseurs de cette réforme relative à la création de nouvelles localités serbes.

Rencontre avec M. Ylber HYSA, expert-conseiller auprès du Premier ministre pour le dossier « Stratégie du Nord »

(Pour plus de photos, merci de cliquer ici !)

Cette administration parallèle serbe est particulièrement présente dans le nord du pays, principale zone de peuplement de la minorité serbe avec pour exemple la ville de Mitrovica. Cette municipalité, traversée par la rivière Ibar, est divisée. Le nord devrait devenir prochainement une ville nouvelle à part entière composée de majoritairement de Kosovars serbes. Toute cette zone du Kosovo demeure en dehors de l’administration centrale de Priština. Cette même région constitue la frontière avec la Serbie. Ainsi, une stratégie dite du Nord est en cours d’élaboration afin d’intégrer et stabiliser cette partie au reste du Kosovo. Elle est établie de concert entre le gouvernement et l’Eulex (mission d’état de droit de l’Union qui tend à remplacer la mission de l’ONU au Kosovo). Néanmoins, l’interdépendance entre les deux parties de Mitrovica serait de plus en plus importante, ainsi une certaine dépendance positive semblerait permettre un rapprochement des communautés.
La gouvernance au Kosovo demeure compliquée, en effet bien que reconnu par plus de 60 États à travers le monde, le gouvernement demeure sous la tutelle de la mission de l’Union européenne afin de s’assurer du respect du plan Ahtisaari.

Même si l’économie kosovare dépend actuellement beaucoup des mandats envoyés par la diaspora installée à l’étranger et des aides internationales, le Kosovo a un réel potentiel, notamment touristique. Ainsi la ville de Prizren, berceau de l’éveil national albanais, pourrait devenir une ville bénéficiant d’un attrait touristique majeur. De plus, Jean-Louis Testud, Adjoint au maire de la ville de Suresnes, a invité une délégation de la mairie de la ville kosovare afin de partager son savoir-faire en matière de gestion de l’eau.
Les possibilités d’actions pour nos collectivités sont donc importantes. Ainsi, le Centre National de la Fonction Publique Territorial devrait être sollicité pour mener à bien les réformes visant à décentraliser le pays.

L’un des objectifs initiaux de l’Union européenne était d’instaurer la paix et la prospérité en Europe. Si elle ne parvient pas à atteindre cet objectif dans sa propre région, comment peut-elle espérer développer son rôle d’acteur international ? L’enjeu que représente la région des Balkans est donc stratégique et crucial pour une UE cherchant à s’affirmer comme acteur de la géopolitique mondiale.

Pour plus d’informations :

Simoné Giovetti, chargé de mission
Tél : 33 (0)1 53 41 81 87
Courriel : s.giovetti@cites-unies-france.org



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Compte rendu de la Mission Balkans - avril 2010

Publié le 12 avril 2010

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